QUELLES POLITIQUES D'INSERTION ?
LA RELATION INSERTION / PRODUCTION
INTRODUCTION
Face au chômage massif et au chômage d'exclusion
qui affectent tout particulièrement la France, les politiques d'insertion
5 ont-elles encore
un rôle à assurer ? D'après de multiples évaluations
qui montrent les limites d'efficacité des mesures d'aide à
l'emploi (seul volet des politiques d'insertion dont les effets peuvent
être mesurés), on pourrait en douter (DARES, 1996). Pourtant,
toute appréciation sur la performance de ces politiques doit tenir
compte de deux ordres de considérations :
Le premier concerne le lien entre les politiques d'insertion
et les politiques plus globales : politique de régulation macro-économique,
réduction du temps de travail, développement des services
de proximité, mode de financement de la protection sociale (affectant
plus ou moins le coût du travail), notamment. Si ces politiques
globales s'avèrent inefficaces, défavorables à la
création d'emploi, il est illusoire de vouloir faire porter aux
seules politiques d'insertion le poids de la lutte contre le chômage
et l'exclusion. Mais à l'inverse, les seuls effets d'une politique
et d'une conjoncture favorables sont insuffisants pour endiguer le chômage
de masse et, surtout, le chômage et la précarité d'exclusion
6. C'est la leçon
de la fin des années 80 qui a connu une forte reprise de l'emploi,
avec des conséquences très faibles en termes d'intégration
professionnelle des chômeurs de longue durée (le même
phénomène se reproduisant à peu près à
la fin des années 1990, la précarité d'exclusion
se substituant au chômage de longue durée). Ce qui suggère
que l'existence de formes de médiation sur le marché du
travail demeure nécessaire quelle que soit la conjoncture, et que
les politiques d'insertion pourraient répondre à cette fonction.
Mais la deuxième considération s'adresse à
la conception même qui domine dans les pratiques existantes d'insertion
: une conception adaptative, centrée sur le service aux personnes
(formation, suivi social), sans prolongement des actions en direction
du fonctionnement du système productif. Une conception restrictive
des politiques d'insertion, congruente avec le modèle « fordiste »
de production, qui établit une disjonction entre la sphère
de formation-insertion des chômeurs, d'une part, et la sphère
de la production, d'autre part. Système « fordiste »
parfaitement adapté à la conjoncture relativement stable
de l'économie lors des trente glorieuses, sur le plan de la séparation
entre les sphère de la formation et de l'emploi notamment ;
mais porteur de rigidités organisationnelles devenant problématiques,
en termes d'ajustement entre formation et emploi, en conjoncture beaucoup
moins prévisible.
Or , une autre conception est envisageable, articulant plus étroitement
les services aux personnes (formation, suivi social, etc.), d'une part,
et les actions sur les logiques productives (politiques d'embauche, d'aménagement
des organisations du travail), d'autre part. Nous montrerons qu'une telle
modification dans la problématique et la pratique de l'insertion
est indispensable face à une conjoncture devenant toujours plus
instable, où les ajustements entre qualification des personnes
et qualification requise par l'entreprise sont de plus en plus difficile
à réaliser dès lors que la formation (ou l'insertion)
est déconnectée de la sphère de la production. Avant
de préciser les termes de cette autre conception de l'insertion
et de l'interaction insertion/production, il nous faut revenir sur certaines
sources et sur certaines spécificités du chômage en
France ; notamment, sur le lien entre l'émergence du chômage
d'exclusion (ou de la précarité d'exclusion), d'une part,
et le modèle « taylorien-fordiste » d'organisation
du travail et de la production, d'autre part 7.
ORGANISATION DU TRAVAIL ET CHOMAGE D'EXCLUSION
Cumul des risques pour les travailleurs peu qualifiés
Un grand nombre d'études met en évidence la détérioration
de la situation économique affectant particulièrement les
travailleurs peu qualifiés depuis le début des années
80. Soit que les salaires relatifs de ces derniers se détériorent
considérablement par rapports aux travailleurs qualifiés
(cas des Etats-Unis) ; soit comme dans le cas de la France que les moins
qualifiés constituent la cible privilégiée du chômage
et surtout du chômage de longue durée. Selon ces études,
plusieurs phénomènes dont l'importance respective varie
selon les pays, expliquent cette tendance générale (Cotis,
Germain et Quinet, 1997) :
En premier lieu , la généralisation des technologies
de l'information et de la communication dont les effets rompent avec les
générations technologiques antérieures. Si la technologie
du taylorisme était déqualifiante en effet, destructrice
des anciens savoir-faire professionnels, celle de l'information au contraire
serait substituable au travail peu qualifié et consommatrice de
travail de plus en plus qualifié.
Il faut noter que cette thèse récente est différente
de celle habituelle qui présente la nouvelle génération
de progrès technique comme substitut à toute forme de travail
qu'il soit peu qualifié ou qualifié.
Dans le même sens, l'accélération des échanges
Nord-Sud, même s'ils sont encore très minoritaires, incitent
par anticipation les pays du Nord à s'orienter vers des productions
à haute technologie.
. Enfin, phénomène plus classique et plus
conforme à la situation française, les chocs économiques
d'origine externe (chocs pétroliers, montée des taux d'intérêt
réels) agissent comme révélateurs et accélérateurs
de la crise du « fordisme » (voir infra). En France
spécialement, dans un contexte de chômage grandissant, consécutif
depuis la fin des années 70 à l'instabilité de la
conjoncture, les employeurs ont développé des pratiques
systématiques de surqualification à l'embauche.
Une partie des moins qualifiés se voit ainsi reléguée
vers le chômage de longue durée, ou plus généralement,
vers le chômage ou la précarité d'exclusion.
Dans cette explication de la relégation des travailleurs peu qualifiés,
schéma causal que nous privilégierons, celle-ci résulte
des pratiques de recrutement institutionnalisées par les entreprises
françaises et non des impératifs objectifs imposés
par les technologies de l'information (voir infra).
Incertitude de la conjoncture et modes de gestion de la
main d'œuvre
Les comparaisons internationales nous renseignent sur les modalités
adoptées dans divers systèmes économiques pour réduire
ce risque. Pour créer plus précisément des éléments
de souplesse dans leur fonctionnement et répondre ainsi aux incertitudes
de la conjoncture. On distingue schématiquement deux modèles
de référence pour satisfaire aux besoins de souplesse (
ou de flexibilité ) de la production : le modèle libéral
, à faible réglementation sur l'emploi et les salaires ,
se fonde sur une souplesse de fonctionnement du marché du travail
(licenciements massifs en période de mauvaise conjoncture économique
, mais mouvement important de recrutement lorsque celle-ci s'améliore
) ; le second modèle , moins aisé à définir
, cherche à créer ces conditions de souplesse au sein même
de l'entreprise ,par une amélioration constante de la qualité
de la ressource humaine , comme de la capacité d'initiative et
de réactivité des collectifs de travail . ces deux modèles
génèrent des formes très différentes de cohésion
sociale .
Le
modèle libéral de flexibilité de l'emploi et des
salaires sur le marché du travail (flexibilité externe)
a connu dans les années 1990 un succès avéré
en termes d'intégration des travailleurs peu qualifiés aux
Etats-Unis, au prix toutefois, d'un accroissement considérable
de l'éventail des salaires et des revenus. Notons que si ce modèle
exerce certaines influences en France (rapport Minc, 1994) dans des préconisations
de baisse du coût du travail (surtout des charges sociales) pour
les travailleurs peu qualifiés, tout consensus sur la remise en
cause du SMIC par exemple paraît improbable. Par ailleurs, les multiples
implications négatives à moyen terme de la politique de
flexibilité externe (perte de mémoire, de continuité
et de compétences pour l'entreprise ; turnover et instabilité
de la main-d'oeuvre ; utilisation restrictive de la formation ; baisse
de la performance globale et nationale, etc.) sont recensées par
d'éminents économistes américains (Robert Solow et
ali, 1990).
L'autre référence, représentée à des
degrés divers par les systèmes japonais, allemands ou suédois,
se caractérise par une forte utilisation de la formation et de
la qualification professionnelle comme vecteurs de la mobilité
interne, de la faculté des agents de l'entreprise à s'adapter
à des situations évolutives du marché. Avec la vague
mondiale de récession de la première moitié des années
1990, ces pays ont bien sûr connu des problèmes d'emploi,
mais dans des proportions bien moindres qu'en France en en réduisant
les phénomènes d'exclusion professionnelle (INSEE, 1997).
La France pour sa part, est beaucoup moins avancée que ces derniers
pays dans sa rupture avec le taylorisme. Son système productif
ne dispose donc ni de la souplesse externe des économies libérales,
ni - ce qui serait bien sûr beaucoup plus compatible avec la culture
ouvrière française -, la souplesse interne des systèmes
qualifiants engagés dans une perspective « post-fordiste ».
On connaît les conséquences, en termes de chômage et
d'exclusion, des stratégies de gestion à court terme
pratiquées depuis une quinzaine d'années par une majorité
d'entreprise pour contourner leurs rigidités organisationnelles
: licenciements massifs de la part surtout des grandes entreprises en
période de basse conjoncture au milieu des années 80 ; développement
de l'emploi précaire et de surqualification à l'embauche
pour se prémunir face à l'incertitude, lors des périodes
de plus haute conjoncture à la fin des années 80 (surtout
de la part des PME). Cette stratégie est à la base du processus
conduisant au chômage d'exclusion (ou à la précarité
d'exclusion), qui affecte notamment les chômeurs ou les précaires
les moins qualifiés.
Les chiffres du chômage en France traduisent les effets
de ces rigidités organisationnelles de notre système productif
sur le niveau du chômage d'exclusion. Ainsi, au début des
années 90, le taux de chômage de longue durée rapporté
à la population active était-il de 3,4 % en France contre
0,1 % en Suède et 0,4 % au Japon.
Si cette analyse est dotée d'une certaine justesse, elle suggère
que c'est en créant des relations fortes entre formation (ou insertion)
et production, que l'on peut espérer surmonter les processus déclencheurs
du chômage (ou de la précarité) d'exclusion. Ces processus
étant générés par les effets combinés
de l'éviction des travailleurs les moins qualifiés au sein
de l'entreprise, d'une part, et de l'éviction des chômeurs
les moins qualifiés par la surqualification à l'embauche,
d'autre part.
On peut d'ailleurs tester la validité de l'analyse qui privilégie
la nature de la relation formation (insertion)/emploi pour apprécier
la performance des actions en termes d'intégration professionnelle
des chômeurs, à partir d'une conception restreinte de l'insertion ;
notamment, en examinant l'efficacité d'intégration de chaque
type de mesure d'insertion, en fonction de son degré de proximité
avec la sphère de la production.
MESURES ET PÔLES D'INSERTION
Si l'on restreint, en première approximation, le processus
d'insertion à une conception « adaptative »
relevant de services aux personne, nous sommes en présence
d'un éventail diversifié de mesures d'insertion telles que
les stages de formation, contrat emploi-solidarité dans le secteur
para-public, les contrats d'insertion et de qualification en entreprise,
etc. Sur le plan de la performance des mesures d'insertion en termes
d'intégration professionnelle stabilisée des chômeurs
, les enquêtes réalisées sur l'ensemble des pays de
l'OCDE, confirment les résultats observés pour la France,
à savoir que : « Ce sont les dispositifs de formation
en entreprise qui semblent avoir les meilleurs résultats
sur le devenir des bénéficiaires, plus que les simples subventions
à l'emploi, et surtout les emplois publics temporaires - du type
TUC ou CES - ou la formation dispensée dans un cadre scolaire.
Cette dernière apparaît inadaptée à certains
publics en difficulté, qui n'ont l'expérience que de l'échec
scolaire. Les emplois publics temporaires, pour leur part, sont accusés
de ne pas donner de véritable formation, voir d'en faire perdre
à ceux qui en ont au départ, et de ne pas avoir de liens
avec le marché du travail 'normal' » 8.
De fait, on peut regrouper l'ensemble des mesures d'insertion
qui se sont succédées depuis la fin des années 1970
(il en existe environ quatre vingt au début des années 2000),
en trois grandes familles, constituant trois pôles de mesures d'insertion
relativement homogènes dans leur conception de l'insertion :
un pôle « éducatif » (d'insertion hors
entreprise), un pôle « parapublic » (ou d'utilité
sociale et collective) et un pôle « économique »
9 (d'insertion
en entreprise ordinaire) .
Le pôle éducatif regroupe
des mesures d'aide à l'insertion centrées sur la formation
des chômeurs, ayant pour caractéristiques communes de dispenser
l'essentiel des services socio-éducatifs hors du système
productif : stages de formation pré-qualifiants et qualifiants,
ateliers pédagogiques personnalisés, actions d'alphabétisation,
etc. Fondée sur une dichotomie entre acquisition des qualifications
professionnelles et sociales d'une part, et valorisation de ce potentiel
pour l'accès à l'emploi d'autre part, cette problématique
était parfaitement conforme aux impératifs de la période
« fordiste », dans la conjoncture relativement stable
des trente glorieuses. Dans un contexte de conjoncture plus aléatoire
en revanche, il ressort des analyses et des comparaisons internationales
que le modèle interactif, entre formation et production,
est bien plus performant en termes d'intégration professionnelle 10. Ces analyses,
sur l'inadaptation des modes de régulation du « fordisme »
- tels que la régulation de la relation formation/emploi à
l'aide du pôle éducatif d'insertion -, permettent d'expliquer
les résultats des évaluations précitées sur
l'efficacité des mesures d'insertion : parmi l'ensemble
des mesures d'insertion, celles répondant à la conception
du pôle éducatif apparaissent comme les moins performantes
en termes d'intégration professionnelle stabilisée des chômeurs
et des précaires les moins qualifiés . Notons enfin que
le pôle éducatif d'insertion constitue le principal
modèle de référence de l'insertion au plan national,
surtout pour les chômeurs ou les précaires les plus en difficulté.
Le pôle parapublic contient des mesures
du type des « contrats emploi-solidarité »,
circonscrites dans leur définition, au secteur des entreprises
publiques, des collectivités locales et des associations 11. La problématique
sous jacente est le lien recherché entre l'action d'insertion par
la mise en activité d'une part, la réponse d'autre part,
à des besoins sociaux qui ne peuvent être pris en charge
dans le cadre réglementé d'un fonctionnement administratif.
Dans l'idéal, ces activité d'insertion à vocation
parapublique, étaient supposées défricher des gisements
nouveaux d'emplois pérennes, ce qui s'est peu réalisé,
compte tenu des difficultés inhérentes à l'insertion
de catégories sociales en grande difficulté. En ce qui concerne
l'objectif principal assigné aux mesures d'utilité sociale,
l'acquisition d'une capacité d'intégration professionnelle
à l'issue du parcours d'insertion, les performances sont à
peine supérieures à celles du pôle éducatif :
« Les travaux d'utilité collective (TUC) et les contrats
emploi-solidarité (CES) sont rarement suivis d'un accès
direct à l'emploi dans une entreprise, mais ils font communément
l'objet d'une prolongation ou d'un renouvellement, ce qui n'empêche
pas un retour fréquent au chômage. » 12
Le pôle économique, enfin, regroupe
les mesures qui induisent une pratique de la formation et de l'insertion
au sein du système productif marchand, avec le bénéfice
d'un contrat de salarié durant la période d'accueil :
contrat d'orientation ou d'adaptation pour les jeunes, contrat d'initiative
emploi pour les adultes, contrat de qualification pour les jeunes et les
adultes. Comme on l'a vu ci-dessus, il existe une convergence entre les
analyses explicatives , d'une part, et les données d' évaluation,
d'autre part, quant à la forte capacité intégratrice
des contrats d'insertion en entreprise, surtout à l'égard
des moins qualifiés, lorsque ces derniers parviennent à
accéder à une mesure du pôle économique d'insertion.
Mais précisément, les évaluations montrent également
que l'accès des chômeurs les moins qualifiés aux mesures
du pôle économique d'insertion s'avère très
problématique. On assiste même à la contradiction
suivante : alors que l'efficacité du processus d'insertion des
moins qualifiés par les mesures du pôle économique
est avérée, celui-ci bénéficie surtout aux
chômeurs et précaires de courte durée, qui sont bien
plus qualifiés ; cela, bien que l'effet d'insertion sur ces
derniers soit discutable.
Cette contradiction met bien en lumière les limites d'une
conception restreinte de l'insertion, même lorsque certaines mesures
d'insertion du pôle économique - à l'exemple du « contrat
de qualification » -, permettent en théorie une bonne
articulation entre insertion et production. En effet, en l'absence d'interventions
sur les logiques d'entreprise elles-mêmes - logiques d'embauches,
logiques d'organisation du travail, notamment -, les rigidités
de nature « fordiste » demeurent. En conséquence,
les sources de l'exclusion ne sont pas supprimées, en particulier,
la surqualification à l'embauche qui traduit par une sélectivité
parmi les chômeurs accédants aux contrats d'insertion en
entreprise. Ce sont les fameux « effets d'aubaine »
au bénéfice des entreprises qui bénéficient
d'aides de l'Etat, sous forme d'exonérations de charges sociales
par exemple, pour un recrutement qui n'exige pas de soutien d'insertion.
Mais, néanmoins, il reste qu'en tout état de cause, lorsque
des chômeurs ou des précaires peu qualifiés peuvent
bénéficier d'un contrat d'insertion en entreprise (un contrat
de qualification notamment), leurs perspectives d'intégration stabilisée
sont des plus favorables.
Outre la limite signalée ci-dessus vis-à-vis d'une
conception restreinte des politiques d'insertion, indifférente
aux logiques d'entreprise - le maintien du caractère sélectif
des contrats d'insertion les plus performants, ceux du pôle économique
-, deux autres raisons plaident pour une conception extensive de l'insertion :
Premièrement, les caractéristiques des mesures d'insertion
ne suffisent pas à déceler la nature de la relation insertion/production.
Souvent par exemple , l'insertion réalisée à l'aide
de contrats en alternance dans l'entreprise se limite à une simple
subordination de la transmission des savoirs aux besoins immédiats
de la production , sans impact, en retour, de la formation dispensée
sur les contenus du travail. Dès lors, cette pratique met en jeu
une interaction faible, à sens unique de la production
vers la formation, bien que l'insertion se déroule dans le cadre
de l'entreprise.
A l'inverse, certaines opérations conduites à l'aide de
mesures « hors entreprise » (contrat emploi-solidarité,
stage de formation), n'ont pas empêché l'établissement
d'une relation à double sens entre la formation (ou l'insertion)
et la production ; avec une collaboration étroite entre acteurs
de l'insertion et de la production, d'une part, une interaction significative
entre la formation et le contenu du travail, d'autre part (voir Simon
Wuhl, 1992, p. 149 - description d'un chantier-école en Haute Marne
dans le cadre du RMI).
Deuxièmement, le pouvoir intégrateur d'un processus
local concret d'insertion dépend d'un certain nombre de facteurs
qui ne sauraient se limiter aux seules mesures d'insertion, notamment :
la composition du partenariat de la médiation entre insertion et
production (la place des opérateurs à compétence
économique), les mécanismes d'articulation entre les sphères
de l'insertion et de la production, voire, les caractéristiques
du territoire de l'insertion (bassin d'emploi ou bassin de vie sociale,
etc.).
Il nous faut donc trouver une façon de traduire, de formaliser,
la nature de la relation entre des processus d'insertion et des processus
de production
LES MODELES D'INSERTION
Il nous faut donc trouver une façon de traduire, de formaliser,
la nature de la relation entre des processus d'insertion et des processus
de production. A cette fin, nous nous réfèrerons à
la notion de coopération mise en avant par Robert Boyer
et Eve Caroli (1993), pour formaliser les relations entre les systèmes
éducatifs et productifs d'un pays.
la notion de coopération éducative .
Etablissant une comparaison entre les modèles éducatifs
français et allemand, R. Boyer et E. Caroli, opposent la tendance
non coopérative du premier à la tendance
coopérative du second (1993).
La tendance non-coopérative du modèle éducatif
français répond aux caractéristiques d'un schéma
de séparation entre le systéme éducatif et le système
de productif : faible liaison entre éducation et production ;
peu de collaboration entre responsables de l'éducation et de la
production ; surtout, absence de confrontation entre les éducateurs
et les employeurs potentiels sur les contenus de formation, d'une part,
les évolutions du travail et des organisations, d'autre part. Comme
nous l'avons vu, cette configuration de notre modèle éducatif,
héritage de la période « fordiste »,
est en porte à faux par rapport à l'instabilité de
la conjoncture économique qui s'impose depuis la fin des années
1970.
A l'inverse, le modèle éducatif allemand est
beaucoup plus avancé au plan de la coopération éducation/production
: association, à l'échelon décentralisé, des
entreprises et syndicats à la définition des qualifications
et des contenus de formation ; co-responsabilité des milieux économiques
qui participent au financement de la formation technique; diffusion d'une
pratique d'alternance de masse dès le second cycle de l'enseignement
technique, conférant la souplesse nécessaire à un
ajustement permanent et interactif entre contenus de formation, d'une
part, contenu de l'emploi et organisation du travail, d'autre part.
A l'observation, on peut émettre l'hypothèse avec
R. Boyer (1993), d'un effet pénalisant du modèle éducatif
de type non-coopératif : ce dernier en effet, vient conforter
les caractéristiques de cloisonnement des fonctions du système
« fordiste ». Alors qu'un modèle éducatif
de type plus coopératif, même confronté au système
« fordiste » de production, pourrait créer
les conditions favorables pour un nouveau paradigme productif, basé
sur des organisations du travail plus qualifiantes.
La relation d'insertion
Par analogie avec les analyses précédentes concernant
le système éducatif, nous proposons la notion de relation
d'insertion pour définir le mode d'articulation - de coopération
- entre les processus d'insertion et les processus de production. A la
différence du système éducatif, qui demeure fortement
centralisé, il existe pour l'insertion des marges d'autonomie au
plan local. Il est possible autrement dit d'observer différentes
modalités d'articulation locale entre les systèmes d'insertion
(ensemble d'institutions, de configurations d'acteurs, de procédures
et processus d'insertion) et les systèmes de production. Ces mécanismes
d'articulation peuvent être représentés par une position
de la relation d'insertion sur une échelle de coopération,
dont les pôles extrêmes sont les suivants :
- Un pôle correspondant à une logique
purement non-coopérative, avec une séparation absolue
entre la sphère relative à la formation/insertion des chômeurs,
d'une part, celle de l'accès à l'emploi, d'autre part. C'est
le schéma « fordiste » classique d'adéquation
formation (ou insertion)-emploi, où le système de production
se situe en extériorité par rapport au processus d'insertion.
- Un pôle à logique purement coopérative,
avec une interaction étroite entre insertion et organisation du
travail. La coopération ne se limite pas à la collaboration
entre opérateurs de l'insertion et acteurs de la production. Un
mécanisme de coopération abouti débouche sur une
certaine synergie entre formation (ou insertion) et organisation productive.
Le schéma d'interaction coopérative est le suivant :
pour un chômeur en insertion en entreprise, les contenus de la formation
et de l'insertion sont déterminés par le contenu de l'emploi
d'accueil, d'une part ; mais, d'autre part, en retour, les actions
de formation et d'insertion font évoluer les logiques productives
au sein de l'entreprise.
Rappelons que le degré de coopération de la
relation d'insertion ne s'aligne pas mécaniquement sur la nature
des mesures d'insertion utilisées ( formation / insertion hors
entreprise , contrat d'insertion en entreprise , activité d'utilité
sociale ) . L'accès des chômeurs peu qualifiés
aux contrats d'insertion en entreprise induit un préjugé
favorable à une relation coopérative d'insertion. Mais cette
perspective n'a rien d'automatique : lorsque cette démarche
se limite à une simple transmission des savoirs soumise aux besoins
immédiats de la production , sans effets sur les contenus du travail,
elle révèle une relation peu coopérative d'insertion,
bien que l'insertion se déroule dans le cadre de l'entreprise .
L'articulation entre système d'insertion et système
productif s'établit au niveau local. On peut donc à ce niveau,
analyser des degrés de coopération de la relation d'insertion
à l'aide de différents critères (territoire d'insertion,
configuration du partenariat de médiation, mode de distribution
des mesures d'insertion, etc.), dont le plus important est la qualité
de l'interaction insertion/production. A partir de l'analyse du fonctionnement
des réseaux d'insertion (CEE, 1994), constitués par les
instances d'animation locale de l'insertion professionnelle (missions
locales, commissions RMI, plans locaux d'insertion par l'économique),
on peut définir trois modèles de référence
- qui sont des figures limites (des formes idéales-typiques) -
pour la relation d'insertion : le modèle de séparation
ou d'adaptation des chômeurs aux structures économiques,
le modèle de coordination des acteurs de l'insertion et
de la production, et le modèle de coopération entre
insertion et production.
. - Le modèle de séparation insertion-production
Le modèle de séparation ou d'adaptation des chômeurs
à la production demeure majoritaire. Il exprime une conception
essentiellement orientée vers l'amélioration des compétences
au sens le plus large, des chômeurs en insertion (conception que
l'on désigne souvent, peut-être improprement, par l'expression
d'amélioration de « l'employabilité »).
Ce modèle, bien que peu coopératif par essence, circonscrit
à des actions en direction des personnes, a considérablement
évolué par rapport aux conceptions sommaires de l'employabilité
du début des années 80 : les actions prennent mieux en compte
désormais les nouvelles exigences en compétence requises
dans la production. Mais comme le montre par exemple une étude
du Centre d'Etude de l'Emploi sur l'impact de cette problématique
de l'insertion : « Elle participe à une mobilisation
de la main-d'oeuvre surtout pour des emplois peu attractifs et mal rémunérés.
La marge de manoeuvre est étroite pour négocier les conditions
de l'embauche et la reconnaissance salariale de la qualification »
13.
Le modèle de coordination 14
Ce modèle, en forte progression, se caractérise par une
mise en perspective de l'insertion par rapport au fonctionnement du marché
local du travail. Des dispositifs tels que les comités de bassin
d'emploi et plus récemment (et plus largement) les plans locaux
d'insertion par l'économique, constituent des modes d'organisation
locale de l'insertion qui répondent à cette orientation.
Deux facteurs permettent de distinguer les formes de médiation
dans le modèle de coordination de celles du modèle d'employabilité.
- Le territoire d'insertion
d'abord, est celui de la mobilisation de la main-d'oeuvre - le bassin
d'emploi - dans le modèle de coordination alors qu'il est
de nature extra-économique dans le modèle d'employabilité
: ce territoire est par exemple le plus souvent de nature politique
pour les missions locales (la commune), administratif pour les
commissions locales d'insertion du RMI (arrondissement de l'action sociale),
ou infra-urbain (le quartier) pour le développement social
urbain.
La configuration de l'instance de médiation ( partenariat
) entre le système d'insertion et le système productif ensuite,
voit le poids des acteurs à vocation économique se renforcer
dans le modèle de coordination. Ces acteurs (consultants, formateurs
d'entreprise, experts en organisation, etc.) peuvent même jouer
un rôle moteur dans entreprise dans la recherche des ajustements
entre les demandes des entreprises et l'accès à l'emploi
des chômeurs en insertion.
Les mesures d'insertion proposées aux chômeurs ou aux précaires
les moins qualifiés relèvent souvent (pas toujours) du pôle
économique, à priori le plus efficace pour une intégration
professionnelle pérennisée.
Mais le modèle de coordination de la relation d'insertion,
à mi-chemin entre non-coopération et coopération
contient de sérieuses limites qui tiennent aux processus mêmes
d'articulation entre insertion et entreprise. La relation à l'entreprise
ici ne se conçoit en effet que sur un plan superficiel : les entreprises
s'adressent aux instances de médiations (par exemples aux animateurs
d'un plan local d'insertion par l'économique), pour couvrir des
besoins ponctuels en main-d'oeuvre non qualifiée et/ou temporaire
; mais non dans une perspective à plus long terme, de construction
d'un processus qualifiant, articulé sur une évolution possible
de leur logique d'organisation du travail.
Le modèle de coopération 15
Les tendances coopératives de la relation d'insertion, bien
que minoritaires, ont déjà été validées
par des expériences d'insertion qualifiante en entreprise (telles
que l'opération « Nouvelles qualifications »)
ou nombre de pratiques courantes d'insertion qui se réfèrent
plus ou moins explicitement à un tel modèle (avec l'appui
notamment de certains groupements d'employeurs).
A travers ces multiples initiatives, le fond commun des différentes
logiques coopératives réside dans une rupture radicale avec
les mécanismes d'ajustement de type taylorien entre insertion et
production (mécanismes caractérisés par une séparation
entre ces deux sphères). Ces logiques coopératives
se conforment, comme pour les logiques de coordination, aux critères
d'une forte relation entre formation et entreprise (territoire d'insertion
du bassin d'emploi, bonne représentativité des partenaires
économiques, attribution des mesures d'insertion en entreprise
aux chômeurs peu qualifiés). Mais plus fondamentalement,
la coopération entre les processus d'insertion et les processus
de production se traduit par une sorte de renversement par rapport
à la problématique habituelle de mise en adéquation
entre insertion et emploi : ce sont en effet les enjeux liés aux
problèmes d'entreprise - besoins de main-d'oeuvre, définition
des qualifications requises, évolution des organisations du travail,
etc. - qui deviennent les points de référence pour greffer
des opérations d'insertion. Les entreprises se situent alors en
position endogène par rapport au processus d'insertion. Les formes
d'ingénierie développées sont à même
d'articuler la formation et le suivi social avec l'évolution du
contenu de l'emploi ; avec plus généralement, une progression,
dans un sens plus qualifiant, des organisations du travail.
CONCLUSION
Au delà des strictes mesures pour l'emploi, les politiques d'insertion
sont créatrices de formes d'articulation spécifiques entre
le monde des chômeurs en difficulté et celui de la production.
Dans une période où l'aléatoire s'est substitué
à une relative stabilité, où la logique purement
marchande parvient moins que jamais à assurer la régulation
des échanges sur le marché du travail, particulièrement
pour les emplois peu qualifiés, l'appel à des modalités
d'intervention à caractère non marchand, ne cesse de s'imposer
comme mode de stabilisation des relations marchandes. C'est dans cette
perspective qu'il faut comprendre la fonction des politiques d'insertion
: comme un ensemble d'institutions, de dispositifs, de mesures et de modes
d'action locale qui structure un interface sur le marché du travail,
entre la sphère socio-formative et celle de la production. Cet
interface joue un rôle non négligeable dans la régulation
de l'accès à l'emploi des chômeurs en insertion.
Nous avons souhaité montrer que la conception adoptée pour
construire cet interface n'est pas neutre vis-à-vis des perspectives
d'intégration stabilisée des chômeurs et des précaires,
notamment, ceux en risque d'exclusion. En effet :
Une conception non-coopérative - conception dominante
dans le champ global de l'insertion - qui se traduit par une disjonction
entre insertion et production, demeure impuissante dans une conjoncture
instable, à retrouver les schémas vertueux d'adéquation
formation-emploi des trente glorieuses. De plus, une telle conception
ne fait que conforter des logiques de type « fordiste »
d'organisation de la production (c'est encore plus vrai pour l'ensemble
du modèle éducatif); logiques qui jouent un rôle déterminant
selon notre corpus d'analyse, dans la production des formes spécifiques
du chômage en France (chômage de masse, chômage des
jeunes, chômage d'exclusion).
Une conception plus coopérative, encore minoritaire,
mais qui se diffuse progressivement, et qui recèle comme l'attestent
les expériences, des potentialités d'intégration
beaucoup plus performantes face à une conjoncture économique
imprévisible, surtout pour les chômeurs ou les précaires
de longue durée. Cette conception se caractérise par une
rupture avec le schéma « fordiste » d'adéquation
formation-emploi, par une interaction forte entre les sphères de
l'insertion et de la production, par une articulation étroite entre
la qualification des personnes en insertion et la qualification des organisations
du travail dans les entreprises d'accueil.
A partir des expériences d'insertion qualifiantes en entreprise
(l'expérience « Nouvelles qualifications, notamment),
on peut repérer quatre critères répondant aux caractéristiques
d'une démarche coopérative :
- Premièrement, le bassin d'emploi, territoire économique,
est le lieu d'organisation des actions coopératives d'insertion
professionnelle. Ceci, à la différence des démarches
peu coopératives, initiées sur des territoires urbains façonnés
par des logiques administratives (RMI), politiques (missions locales),
de proximité sociale (politiques des quartiers).
- Deuxièmement, le partenariat économique de médiation
mobilise des opérateurs à
forte compétence sur les questions qui touchent à
la gestion des entreprises (consultants,
experts en organisation du travail, formateurs en entreprise, etc.).
- Troisièmement, les mesures d'insertion attribuées aux
chômeurs ou aux précaires les moins qualifiés, sont
celles du pôle économique d'insertion (insertion en situation
de travail, en entreprise), comparativement les plus performantes pour
une intégration pérenne et qualifiante de ces publics).
-Quatrièmement surtout, des mécanismes de forte interaction
entre insertion et production opèrent une sorte de renversement
par rapport à la logique non coopérative de la relation
d'insertion : ici, la recherche des débouchés d'insertion
professionnelle des chômeurs n'est pas le point de départ
des actions d'insertion ; c'est, au contraire, l'analyse des problèmes
de l'entreprise qui constitue le point d'ancrage initial (définition
des qualifications requises, rigidités de l'organisation du travail,
etc.), qui permettra que s'établisse une interaction coopérative
entre insertion et production. L'établissement d'une telle interaction,
qui articule formation (ou insertion ) et évolution qualifiante
des organisations du travail, s'avère nécessaire pour contrer
les pratiques de surqualification à l'embauche des chômeurs
en insertion - logiques qui s'opposent à l'accès des
chômeurs peu qualifiés aux mesures d'insertion les plus efficaces,
en entreprise. Plus généralement, toutes les interventions
qui incitent les entreprises à « qualifier »
leurs organisations du travail, à développer une flexibilité
interne de nature « post-fordiste », à articuler
la formation continue des salariés et l'évolution de ces
organisations, agissent sur la source des processus d'exclusion des moins
qualifiés.
B I B L I O G R A P H I E
BARON (Cécile) et alii, Le rôle de différents
intermédiaires sur le marché du travail et la construction
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- CASTEL (Robert), Les métamorphoses de la question sociale,
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- WUHL (Simon), Insertion : les politiques en crise, PUF, 1996.
- WUHL (Simon), L'égalité. Nouveaux débats,
PUF, 2002.
[1] Ce
texte a donné lieu à plusieurs conférences sur
les perspectives de politiques d'insertion des chômeurs envisageables.
[2] Voir,
sur ce site, notre article : « Chômage d'exclusion,
précarité d'exclusion : le débat sur la nature
de la rupture sociale ».
[3] ou
des « emplois jeunes », mais ces derniers s'adressent
surtout aux plus qualifiés.
[4] Voir,
Simon WUHL, L'égalité. Nouveaux débats,
PUF, 2002, chap.4, pp. 159 à 184.
Voir également, sur ce site, notre
article : « Politiques d'insertion et principes de justice ».
[5] Nous
distingueront, dans ce texte, deux définitions possibles des
politiques d'insertion, l'une, restreinte, que nous qualifieront d'adaptative,
l'autre, extensive, qui nous semble la plus appropriée dans la
conjoncture aléatoire actuelle.
Au sens restrictif, le plus répandu, les politiques
d'insertion comprennent un ensemble de mesures d'aides et de services
aux personnes exclusivement, dont l'objet est d'adapter les chômeurs
en difficulté aux structures intangibles de l'économie
et, plus largement, de la société.
Dans un sens beaucoup plus extensif, les politiques d'insertion
comprennent l'ensemble des formes d'intervention susceptibles
de favoriser l'intégration des chômeurs et des précaires,
au sein du monde du travail notamment. Cette définition englobe
donc, au delà des mesures correspondant à des services
aux personnes (formation, suivi social, bilans de compétence,
etc.), des actions à caractère plus structurel, concernant
par exemple, la réduction du temps de travail, ou l'organisation
du travail et de la production. Plus généralement, tout
instrument mobilisable pour une régulation active et locale en
faveur de l'intégration économique et sociale des chômeurs
en difficulté, se rattache aux politiques d'insertion.
[6] Nous
distinguons dans nos analyses, le chômage de courte durée,
d'une part, et le chômage d'exclusion, de nature plus pérenne.
Le chômage d'exclusion comprend notamment, le chômage de
longue durée et l'inactivité inhérente à
une conjoncture défavorable. De même, nous distinguons,
la précarité d'intégration, d'une part, et la précarité
d'exclusion, d'autre part, qui se traduit par un enchaînement
d'emplois précaires non choisis et de périodes de chômage.
Nous faisons l'hypothèse que le chômage et la précarité
d'exclusion, phénomènes spécifiques au mode de
production français, sont révélateurs de l'existence
de rigidités « fordistes » dans les organisations
du travail, rigidités peu compatibles avec les impératifs
d'une conjoncture économique plus aléatoire. (voir notre
article sur ce site : « chômage d'exclusion, précarité
d'exclusion : le débat sur la nature de la rupture sociale »).
[7] L'analyse
ci-après, sur les facteurs organisationnels à la source
du chômage et de la précarité d'exclusion - les
rigidités « fordiste » du modèle
français d'entreprise-, est celle déjà effectuée
dans notre article sur ce site : « Chômage et
précarité d'exclusion : le débat sur la nature
de la rupture sociale ». Elle est reproduite ici pour introduire
la question de la validité du lien à réaliser entre
les politiques d'insertion, d'une part, et les actions de transformation
des logiques d'entreprise, d'autre part.
[8] A.
Eydoux et alii., « Les politiques de l'emploi dans les pays
de l'OCDE. Une perspective de long terme. », in 40 ans
de politique de l'emploi, op. cit., p.352. Les TUC (travaux d'utilité
collective), mesures d'insertion réservées aux jeunes
de moins de 25 ans et financées par l'Etat durant la période
1983/1988, donnaient lieu à une activité à mi-temps,
exercée au sein d'une collectivité publique, sous un statut
de stagiaire de la formation professionnelle. Ils ont été
remplacés par les CES (Contrats emploi-solidatité) en
1989, avec deux modifications : les CES peuvent être attribués
aux adultes d'une part, le statut des accédants d'autre part,
est celui de salarié.
[9] Le
pôle « économique » d'insertion regroupe, comme
nous le préciserons plus loin, des mesures d'insertion sous forme
de contrats en entreprise, procurant, pour une durée limitée,
un statut de salarié au chômeur bénéficiaire.
La dénomination la plus appropriée serait celle « d'insertion
par l'économique ». Nous ne l'utiliserons pas pour
éviter les confusions avec une autre conception de l'insertion
ainsi désignée, celle des entreprises d'insertion.
[10] R.
Boyer et J.-P. Durand, L'après fordisme, op. cit.
[11] La
mesure des « emplois jeunes », créée
en 1997 par le gouvernement de gauche, et proposant des emplois à
plein temps aux jeunes chômeurs dans le secteur para-public, constitue
une exception dans le paysage des mesures d'insertion. En effet, il
s'agit d'une opération à caractère unique, de création
de 300 000 postes de travail à temps plein dans de « nouveaux
services », financés à 80% par l'Etat, pour
une durée de 5 ans (Ce programme, sous cette forme, a été
arrêté en 2oo2 par le gouvernement de droite de Jacques
Chirac. L'objectif ici, s'adresse à la fois à la détection
de gisements nouveaux d'emplois para-publics, et, à une aide
en faveur de l'accès à l'emploi des jeunes. En tout état
de cause, même s'il existe de nombreuses analogies entre ce programme
et la logique des mesures d'utilité sociale ( TUC, CES ), la
priorité des emplois jeunes ne va pas à la lutte contre
l'exclusion. Ainsi, en 1999, moins de 20% seulement des jeunes engagés
dans le programme emplois jeunes avaient un niveau de formation inférieur
au baccalauréat. (voir, « Le nouveau programme '
nouveaux services-emplois jeunes' en 1999 », Premières
informations et premières synthèses, Ministère
de l'emploi et de la solidarité, juillet 2000). On
ne peut donc assimiler cette mesure telle qu'elle, à celles du
pôle parapublic tel que nous l'avons défini, orientées
vers l'intégration professionnelle des chômeurs et des
précaires les moins qualifiés.
[12] D.
Gélot et B. Simonin, « L'évaluation de la politique
de l'emploi, un bilan partiel des pratiques des politiques depuis la
fin des années soixante-dix. », op. cit., p.294.
[13] La
lettre du Centre d'étude de l'emploi, n°33, juin 1994.
[14] Voir,
Simon Wuhl, Insertion : les politiques en crise, PUF,
1998, pp. 242 à 252.
[15] Voir,
Ibid., pp.253 à 255.
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