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EGALITE COMPLEXE ETMULTI APPARTENANCE CRITIQUE1-------------
Les notions d'« égalité complexe » et de « multi- appartenance » expriment une même conception pluraliste du monde social : L'égalité complexe renvoie à l'idée d'un pluralisme des dimensions de l'égalité, ou, au-delà de la sphère socio-économique, d'autres biens sociaux à forte signification pour les individus (pouvoir, éducation, temps libre, identité culturelle, etc.), devraient faire l'objet d'une juste répartition. Dans une telle conception, chacune des sphères de justice correspondante peut être abordée de façon distincte. En particulier, cette approche permet d'éviter les confusions entre les sphères socio-économiques et culturelles (avantages socio-économiques concédés sur critères ethno-culrurels comme aux Etats-Unis, ou, au contraire, avantages concédés sur le plan culturel afin d'éviter de traiter la dimension socio-économique des inégalités). La multi-appartenance est un modèle d'analyse de l'évolution complexe et divisée de l'identité culturelle dans les sociétés démocratiques développées. Une telle problématique conduit à une double reconnaissance dans le champ des identité culturelles : reconnaissance, d'une part, des collectivités porteuses des références identitaires, et, d'autre part, de l'individualisation des identités concrètes qui peuvent se manifester par l'expression de plusieurs appartenances culturelles (dont, bien sûr à minima, l'appartenance à la culture majoritaire du pays d'accueil). On peut ainsi dépasser sur le plan conceptuel, la contradiction entre une posture « communautaire » - débouchant sur une fragmentation du lien social-, et une posture « républicaniste », injuste et inefficace dans son déni de reconnaissance des aspirations identitaires des minorités culturelles. Dans un modèle de multi-appartenance, les personnes qui le souhaitent peuvent s'approprier deux ou même plusieurs appartenances culturelles reconnues, ce qui ne peut que consolider la qualité du lien social.
Toutefois, La reconnaissance d'une multi-appartenance requière un certain nombre de conditions : primat absolu des droits de la personne sur ceux des collectivités de référence, strict respect des acquis des sociétés démocratiques (droits de l'homme, « patriotisme » de la Constitution et des institutions, etc.). Mieux, une telle reconnaissance pourrait utilement s'appuyer sur un travail critique engagé au sein des milieux culturels « minorisés » eux-mêmes. Ceux-ci pourraient ainsi se soumettre aux mêmes interrogations éthiques que l'ensemble de la société, concernant notamment, les apports et les contradictions de leurs caractéristiques culturelles face aux caractéristiques partagées des sociétés démocratiques.
[1] Voir, Simon Wuhl, L'égalité. Nouveaux débats, PUF, 2002, pp. 339 à 349. Voir également, sur ce site, les articles : « Egalité et identité culturelle. L'apport du débat anglo-saxon » ; « L'identité culturelle comme 'bien social' » ; et « Identités collectives et modèle franco-républicain ». |
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