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EGALITE  ET  IDENTITE  CULTURELLE 1

L'apport du débat anglo-saxon

 

  On rencontre, au départ, trois conceptions dominantes relatives à la place des minorités culturelles dans les sociétés démocratiques développées : le modèle libéral, qui, d'une part, adopte le schéma du cantonnement des identités collectives à la sphère privée, mais, d'autre part, adopte l'idée d'une neutralité vis-à-vis de toutes les cultures ; le modèle communautarien, qui accorde une grande importance aux contextes collectifs d'appartenance pour l'auto-réalisation des individus, et reconnaît l'expression de toutes les affiliations culturelles, y compris minoritaires. Le modèle franco-républicain, enfin, qui, d'une part, recoupe le modèle libéral pour la séparation des sphères publiques et privées, et, d'autre part, recoupe le modèle communautarien en valorisant la culture dominante. Mais, à la différence de ces deux modèles, le modèle franco-républicain accorde un statut inférieur aux cultures minoritaires, la culture majoritaire demeurant celle de l'intégration à la société.

  Dans le débat sur la place des minorités culturelles, les apports des  penseurs communautariens peuvent se décliner en trois points : 

   Premièrement, la connaissance par le sujet de sa propre identité, et plus, la reconnaissance de la valeur sociale de sa communauté d'appartenance, constituent des conditions pour un accomplissement authentique et « désaliéné » (non subordonné aux déterminations extérieures - lois du marché ou autres cultures -, substituts « plaqués » sur le sujet ). Cette condition implique une intervention de l'Etat, afin de conforter les contextes sociaux d'appartenance des minorités culturelles.

   Deuxièmement, point essentiel de l'argumentation, les identités sont évolutives, d'une part, et nul n'est astreint à demeurer consigné au sein de son appartenance, d'autre part. Mais la connaissance par chacun de son identité culturelle, la restitution du lien avec des collectifs d'appartenance, sont indispensables à l'exercice d'un choix sans aliénation. Ainsi peut-on déboucher sur une gamme d'intensités de liens  possibles à la collectivité d'appartenance, allant de l'adhésion totale à la réfutation totale.

   Troisièmement enfin, le lien social souhaitable pour les penseurs communautariens  n'est ni celui des libéraux (dont le modèle d'adhésion aux valeurs communes est jugé par trop individualiste), ni celui prôné par le « franco-républicanisme » (qui imposent à tous les valeurs majoritaires). Le modèle proposé inclut les valeurs des cultures minoritaires (sauf si elles  contredisent  les acquis des sociétés démocratiques), au sein d'un collectif commun de valeurs nationales. Ce qui implique le respect et même la promotion d'un véritable pluralisme culturel.

 

  Par ailleurs, on assiste à la suite des travaux de John Rawls, à la constitution d'une nouvelle branche du libéralisme philosophique, qui, tout en maintenant l'idée du primat de l'autonomie individuelle comme horizon de la pensée politique, accorde une grande importance aux valeur collectives, d'une part, et à l'intervention de l'Etat pour rétablir une certaine justice sociale, d'autre part. Ainsi, un auteur de cette mouvance comme Will Kymlicka aboutit-il aux mêmes conclusions que les penseurs communautariens, à partir de considérations de justice appliquées à la reconnaissance des identités collective. Mais cet auteur ajoute que les conditions sont réunies, dans les sociétés démocratiques avancées, pour une reconnaissance des identités collectives. En particulier, même s'il existe des groupuscules marginaux non démocratiques au sein de ces collectivités, la tendance générale est l'acceptation des acquis des droits de l'homme et de la démocratie. A cette condition absolue posée par Kymlicka pour une « discrimination positive » dans l'ordre culturel en faveur des minorités en déficit de reconnaissance, le philosophe canadien en ajoute une autre : le respect de l'autonomie individuelle garanti par la loi ; et, en conséquence, l'illégalité de toute velléité de la part d'une collectivité culturelle d'imposer à un individu une identité non désirée.

 



[1] Résumé d'une présentation des spécificités des différents modèles d'intégration culturelle en présence. Voir Simon Wuhl, L'égalité. Nouveaux débats, PUF, 2002, pp. 267 à 290.

 

LISTE RECAPITULATIVE DES TEXTES PROPOSES