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DEMOCRATIE DELIBERATIVE DE HABERMAS ET POLITIQUES D'INSERTION[1]Il existe des enjeux sociaux importants autour de la mise œuvre des politiques locales d'insertion : sur la répartition des chômeurs et des précaires au sein des processus d'insertion à performances inégales ; sur la qualité et la stabilité de l'intégration professionnelle envisagée ; sur le rôle de l'Economie solidaire dans le processus d'insertion ; ou, plus généralement, sur le rapport au travail et le bien-fondé d'un Revenu d'existence. Il y a donc matière, comme nous l'avons montré dans un article sur ce site, à se fonder sur des principes de justice comme ceux de John Rawls, pour éclairer les décisions 2. Mais c'est insuffisant : sous peine de s'en tenir à une démarche purement technocratique, l'application de la problématique rawlsienne (ou autre), doit être complétée par un processus de délibération démocratique incluant les personnes concernées par les politiques d'insertion. Dans cette perspective, la problématique de « la démocratie délibérative » de Habermas est une référence théorique tout à fait appropriée pour orienter l'engagement d'un tel processus. En effet, cette problématique s'articule autour de la recherche d'une interaction entre la logique « communicationnelle » ancrée sur le monde vécu et la société civile, d'une part, et la logique « institutionnelle » garante de la pérennisation des acquis sociaux, d'autre part. Cette démarche pouvant se matérialiser à travers celle de l'interaction entre associations et institutions. Or, les structure de mise en œuvre de l'insertion - missions locales, cellules RMI, Plans locaux d'insertion par l'Economique -, réunissent précisément en leur sein des institutions et des associations : elles offrent donc un cadre favorable à une application de la problématique de la « démocratie délibérative » de Habermas. Un tel processus démocratique doit être impulsé par un mouvement issu de la société civile, des associations comprenant des personnes concernées par les dispositifs d'insertion, par exemple. A l'image d'une association de chômeurs de Saint-Denis, qui impulse un processus d'échange démocratique au sein des instances locales de l'insertion, en agissant sur trois registres : la coopération avec les institutions de l'insertion, la confrontation « militante » et la gestion directe de programme d'insertion. Ainsi parvient-elle à rétablir un certain équilibre avec les institutions ( équilibre qui n'existe pas, bien sûr, au départ) dans les poids respectifs des instances engagés dans le processus démocratique. Cette démarche de démocratie délibérative, entre associations de chômeurs et institutions chargées de l'insertion, offre des perspectives réelles et durables, d'association des chômeurs aux questions qui les concernent, quelles soient locales ou de nature plus générale (rapport au travail-emploi, revenu d'existence, Economie sociale et solidaire, etc.)
[1] Cet article décrit une application de la problématique habermassienne de la démocratie délibérative - centrée sur une interaction entre logique associative de la société civile et logique institutionnelle - au domaine des politiques d'insertion. Il fait suite à l'article, sur ce site, relatif à « la démocratie délibérative de Habermas. Présentation théorique. » Voir également, Simon Wuhl, L'égalité. Nouveaux débats, pp.235 à 261. [2] Voir, sur ce site, l'article : « Politiques d'insertion et principes de justice. » |
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