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LES CRITIQUES DE LA THEORIE DE RAWLS 1
On peut retenir trois types de réactions critiques à l'encontre de la « théorie de la justice » de Rawls : celle des penseurs dits « communautariens », qui réfutent les présupposés généraux du libéralisme kantien ; celle des auteurs, en France notamment, qui s'opposent à ce qu' ils perçoivent comme une contamination de la problématique de Rawls par l'idéologie néo-classique ; celle des courants de pensée plus « égalitariens » (pas forcément « égalitaristes »), issus du marxisme notamment, qui accordent une aussi grande importance aux phénomènes d'égalité relative qu'à ceux d'égalité absolue.
Les auteurs classés comme « communautariens » (Charles Taylor, Michaël Sandel) partent d'une vision « holiste » de la constitution du sujet social, où l'identité de l'individu se constitue à partir de ses attaches préalables à une communauté d'appartenance. En conséquence, ils dénoncent la représentation libérale du sujet social « désengagé »et les risques induits d'atomisation du lien social. Si cette forme de critique pointe parfaitement les tendances de la branche libertarienne du libéralisme kantien, le libéralisme-solidariste de Rawls, en revanche, procède à une réévaluation des impératifs nécessaires à l'entreprise de coopération sociale : par une exigence, notamment, de redistribution des pouvoirs et des richesses en fonction de principes généraux de justice sociale et d'une régulation de la société autour de ces principes sous l'égide de la puissance publique. Cette évolution vers un libéralisme-solidariste est en contradiction avec une vision purement individualiste du lien social. La critique des présupposés néo-classiques de la problématique de Rawls s'en prend à sa démarche qui relèverait plus des choses de la logique- l'élaboration des principes dans la position originelle et le voile d'ignorance - que de la logique des choses. Cette approche étant qualifiée par Bourdieu de « scolastique », coupée des rapports sociaux concrets. Cette critique appelle trois remarques : Premièrement elle vise surtout certaines formulations initiales à connotation économétrique de la « théorie de la justice », à but d'illustration et non d'explication, formes de représentation qui ont été abandonnées par la suite par l'auteur ; deuxièmement, la démarche et le questionnement de Rawls - qui se demande, au-delà des critiques de l'injustice : qu'est-ce qu'une société juste ? - demeurent valides, et complémentaires à des approches plus socio-historiques ; troisièmement enfin, l'élaboration de la théorie de Rawls comporte des moments d'ancrage au sein des rapports sociaux, les principes de justice étant soumis en permanence à la critique du débat public jusqu'à l'obtention d'un consensus socio-politique. La critique égalitarienne et marxiste renforce les exigences en termes de réduction des inégalités (Gerry Cohen, Ronald Dworkin). Elle indexe alors fortement la justice sociale sur le critère de la « reconnaissance sociale » ; et insiste, en conséquence, sur l'importance de la notion d' « inégalité relative », comme indicateur dans l'évaluation de la valeur sociale des individus. On peut certes remarquer qu'il n'y a pas là une contradiction fondamentale avec la problématique de Rawls qui accepte l'idée d'une situation sociale d'autant plus juste que les écarts dans la répartition des richesses sont plus restreints. Il n'en reste pas moins vrai, que Rawls se montre moins exigeant sur cet aspect (que sur celui de la progression « absolue » de la situation socio-économique des plus mal lotis) , sous-estimant quelque peu les questions d'inégalité dans les situations individuelles, et donc de reconnaissance de leur valeur sociale.
[1] Courte présentation des critiques adressées à la théorie de Rawls, et des remarques que l'on peut formuler à l'égard de ces critiques. Voir Simon Wuhl, L'égalité.Nouveaux débats, PUF, 2002, pp. 91 à 105. |
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